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Notes de lecture


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Criminalité organisée et criminalité économique en Suisse

Fabien Jakob

Par Fabien Jakob , 20 avril 2008

La criminalité organisée internationale est l’une des pierres d’achoppement de la sécurité suisse. En effet, selon les estimations, les groupes criminels de la Communauté des Etats indépendants (CEI) ont vraisemblablement continué à disposer, comme les années précédentes, d’un vaste réseau de relations et utilisé la Suisse avant tout pour blanchir et placer les fonds issus de leurs activités criminelles.

Les maffias et la criminalité économique

La Camorra, la ‘Ndrangheta, la Cosa Nostra et la Sacra Corona Unita ont toutes commis divers types de délits sur le territoire suisse en 2006 et 2007. La Camorra était impliquée dans des escroqueries, le blanchiment d’argent et la contrebande. La ‘Ndrangheta, quant à elle, était engagée dans le trafic de stupéfiants et d’armes, dans le blanchiment d’argent et dans les escroqueries ; elle a en outre confirmé son intérêt pour les investissements dans des branches de l’économie légale, principalement dans la construction, l’immobilier et la restauration. La Cosa Nostra, groupe sicilien, était toujours impliquée dans le trafic de stupéfiants et le blanchiment d’argent, tandis que la Sacra Corona Unita, originaire des Pouilles, s’est investie dans le trafic d’armes et de stupéfiants et dans la contrebande de cigarettes.

En 2006-2007, le crime organisé chinois a été actif dans le domaine de la corruption, la fraude fiscale, la contrebande, le proxénétisme, la coercition, les menaces, l’extorsion notamment en échange d’une prétendue protection, la contrefaçon, la piraterie de logiciels, les jeux d’argent illégaux, les enlèvements et le trafic de migrants. Des groupes criminels chinois ont également commis de multiples escroqueries à la carte de crédit en Suisse. De fausses cartes de crédit étaient utilisées par des acheteurs recrutés dans ce but précis, achetant principalement de petits produits de luxe (téléphones portables, appareils photo numériques, ordinateurs portables, montres) en vue de les revendre à l’étranger.

En 2006-2007, les groupes criminels d’Afrique de l’Ouest étaient actifs dans le monde entier, impliqués notamment dans le trafic de stupéfiants, les délits d’escroquerie, la traite d’êtres humains et la falsification de documents en tous genres. Ils ont notamment introduit de grandes quantités de cocaïne originaire d’Amérique du Sud. Parmi les exécutants se trouvaient de plus en plus de personnes d’autres origines, notamment des européens de l’Est. Comme par le passé, les délits d’escroquerie ont principalement pris la forme desdites « lettres nigérianes », exploitant de manière ciblée la naïveté de victimes tentées par l’appât du gain.

Ce constant semble donner raison à Monsieur Blocher. Cependant, il paraît douteux qu’un frein à l’immigration soit une mesure adéquate ; la lutte contre la criminalité organisée nécessitant une action plus globale coordonnée sur le plan international.

Trafic de migrants

La traite d’êtres humains et le trafic de migrants constituent une forme de criminalité à part, qui, ces dernières années, est apparue de manière plus fréquente. En 2006-2007, l’immigration illégale organisée, en augmentation, a été observée principalement dans le cadre du transit des migrants par les aéroports (principalement l’aéroport de Zurich), de l’utilisation abusive de visas et de cas de corruption liés à la délivrance de visas.

La traite d’êtres humains aux fins d’exploitation constitue l’une des faces importantes de la migration illégale, notamment dans des secteurs tels que le personnel de maison, la restauration, le trafic d’organes ou la prostitution. A cet égard, plusieurs cantons, dont Zurich, Genève, Bâle, Berne, Vaud et le Tessin ont annoncé en 2006-2007 une forte augmentation à la fois du nombre de prostituées et du nombre d’établissements de cette branche. A l’échelle de la Suisse, l’économie souterraine liée à la prostitution dans le cadre de bars de rencontres et d’appartements privés transformés en petites maisons closes a été florissante.

Si le problème du trafic des migrants est réel, est-il possible d’y remédier en freinant les phénomènes migratoires par des filtres quantitatifs et qualitatifs trop restrictifs ? Il semble plutôt que de telles mesures ne feront qu’alimenter ce commerce lucratif. La lutte contre la traite d’êtres humains et le trafic de migrants doit tabler sur d’autres solutions, notamment la nécessaire collaboration entre la Confédération/cantons et les autorités des pays d’origine des victimes. La Suisse s’est illustrée en adoptant notamment d’autres mesures, dont la nouvelle loi sur les étrangers, qui qualifie désormais le trafic de migrants à titre professionnel de crime. L’article 182 du Code Pénal Suisse a également été amendé ; désormais le trafic d’organes est assimilé à la traite d’êtres humains. La nouvelle loi sur la transplantation entraînera, en outre, la mise en place d’autres obstacles au trafic d’organes. Par ailleurs, le trafic de migrants à titre professionnel figurera bientôt dans la liste des infractions de la loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication et dans celle de la loi fédérale sur l’investigation secrète, ce qui permettra de mettre les passeurs sur écoute et de les surveiller avant et pendant leurs actions.

Conclusion

Il est indéniable que les délinquants sont souvent d’origine étrangère. La proportion d’étrangers dans la population carcérale confirme ce constat. Les étrangers délinquants, dans 90% des cas de jeunes hommes, sont généralement des jeunes ayant des problèmes d’identité, qui peuvent générer un sentiment d’infériorité, un manque d’assurance souvent compensé par un recours à la violence, qui pourrait notamment être résolu en renforçant l’intégration des jeunes étrangers, avant tout dans les écoles.

Cependant, la menace majeure qui plane sur la sécurité intérieure émane plutôt de la criminalité organisée, plus particulièrement de la criminalité économique. Celle-ci se manifeste de différentes façons ; escroquerie, abus de confiance, abus de chèques et de cartes de crédit, faux monnayage, corruption, blanchiment d’argent, gestion déloyale ou faux dans les titres. Elle peut également prendre la forme de la fraude fiscale, d’escroqueries au crédit et de délits d’initiés, de violations du droit de la concurrence et des cartels, d’escroqueries aux subventions ou de contrefaçons de marchandises, sans vouloir dresser une liste exhaustive. La criminalité économique est particulièrement difficile à détecter. En effet, on estime que pour chaque cas de criminalité économique découvert, cinq autres demeurent invisibles. Pour y parer, le Conseil fédéral a pris différentes mesures, notamment en révisant les dispositions pénales relatives au délit d’initié, au blanchiment d’argent, à la corruption.

De façon plus générale, le caractère transfrontalier des crimes et délits ci-dessus énumérés requiert la mise en œuvre de nouvelles parades. En effet, ce n’est qu’au prix d’une coopération internationale soutenue qu’il sera possible de lutter contre les menaces émanant du terrorisme, de l’extrémisme violent, de la criminalité organisée, ainsi que de l’utilisation abusive des technologies modernes de l’information. Ainsi, fermer les frontières et lutter contre la criminalité sans le soutien d’autres Etats ou organisations internationales paraît illusoire.

Ces considérations ne doivent toutefois pas obscurcir le bilan du système de sécurité intérieure de la Suisse dressé par le Département fédérale de justice et police, qui est positif. En effet, il faut souligner que la Suisse possède le taux d’étrangers le plus élevé d’Europe (en termes relatifs) et malgré cela le taux de meurtres le plus bas. De plus, la criminalité des étrangers en général n’a pas augmenté durant les dix dernières années ; elle a au contraire diminué, même si proportionnellement aux atteintes à la propriété, le nombre de lésions corporelles et de viols (déclarés) a augmenté.


 


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