21 avril 2008
La décision d’envoyer 1000 hommes supplémentaires en Afghanistan a fait monter l’évaluation du surcoût lié à cette opération de 600 à 850 millions d’euros. C’est une conséquence économique lourde. Mais les problèmes politiques que posent les OPEX ne sont pas minces :
Il faut d’abord de savoir de quoi il s’agit : OPEX a pendant un certain temps été considéré comme l’abréviation de « opérations exceptionnelles » pour souligner le fait qu’il s’agissait de situations imprévues, sinon imprévisibles. Cependant, dans l’usage récent la signification est « opération extérieure » avec en miroir une abréviation OPINT pour opération intérieure, rassemblant le plan vigipirate, le plan polmar, l’action contre les feux de forêts. [1] Mais ce rapprochement entre opérations extérieures et intérieures a lui-même suscité des critiques et un nouveau vocabulaire (MISSINT pour missions intérieures) est en train de voir le jour.
Bien sur le problème principal de ces opérations extérieures (OPEX) est celui du contrôle politique : à l’exception en 1991 de la participation française à la guerre du Golfe qui avait fait l’objet d’un engagement de responsabilité du Gouvernement, les autres interventions internationales français ont été déclenchées ou renouvelées sans que le Parlement se prononce qu’il s’agisse des opérations en ex-Yougoslavie, en Albanie, au Kosovo, en Bosnie, en Afghanistan, au Liban, au Tchad, en côte d’ivoire ... Cette situation a été maintes fois critiquée dans des rapports de l’Assemblée et du Sénat, sans effet concret. [2]
Mais le coût des OPEX est lui-même un problème politique. Les données disponibles, au fil de rapports parlementaires froment une information peu homogène, parfois carrément contradictoire ; indiquant parfois le coût par théâtre ou bien par armée ou bien par nature de dépenses. Ces aspects financiers sont suivant les cas examinés sous l’angle des crédits inscrits en LFI ou en LFR et la mise en application des nomenclatures de la LOLF n’a pas contribué à éclaircir la présentation.
Les points principaux qu’on peu souligner sont les suivants : tout d’abord on ne doit pas perdre de vue que les « coûts » dont on parle à propos des OPEX sont en réalité des surcoûts : il s’agit de la différence imputable à l’opération examinée par rapport au coût de l’unité en fonctionnement « normal ». L’essentiel des ces dépenses est constitué par les RCS [3] qui dans les dernières années représentent entre 55 et 60% du total. Ceci tient au régime de rémunération défini depuis 1997 [4] : Les personnels reçoivent une indemnité de sujétions pour service à l’étranger (ISSE) qui s’ajoute à leur rémunération et est égale à 1,5 fois leur solde. Il s’ajoute à ceci des suppléments pour enfants à charge. ISSE et suppléments ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu.
Sources : 1976-1987 : Modeste Legouez, Rapport général au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi de finances pour 1989, adopté par l’assemblée nationale. Document N°88, Tome III, annexe 46 « Défense . Dépenses ordinaires », Sénat, 21 novembre 1988, 122 pages
1988-2004 : Yves Fréville et François Trucy, Rapport général au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi de finances pour 2007, adopté par l’assemblée nationale. Sénat, Document N°78, Tome III, annexe 8 « Défense », 23 novembre 2006, 106 pages
2005-2007 : Yves Fréville et François Trucy, Rapport général au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi de finances pour 2008, adopté par l’assemblée nationale. Sénat, Document N°91, Tome III, annexe 8 « Défense », 22 novembre 2007, 100 pages
2008 : Les échos, 31 mars 2008
Sous réserve des limites de cohérence signalées supra, on peut dresser un tableau des « coûts des OPEX (voir ci-après) : il en ressort que, en euros constants 2008, depuis 1976, le volume global de dépenses est de presque 20 milliards d’euros. Si on prend les données à partir du moment où le coût s’est nettement enflé (soit depuis 1983) on a une moyenne annuelle de plus de 700 millions d’euros, soit un porte-avions tous les trois ans [5] . Dans ces dépenses les théâtres identifiables en longue période sont les Balkans (environ 6 milliards d’euros depuis 1992) le Tchad et la république centrafricaine (environ 2 milliards d’euros), l’Afghanistan (1,2 milliards d’euros).
Dans cette période ou les contraintes économiques sont en train d’induire des contractions drastiques du budget de la défense et où les pressions américaines pour des engagements accrus à leurs cotés se font plus brutales, il est plus que jamais nécessaire que les engagements d’OPEX soient publiquement discutés ; Il en va de notre autonomie stratégique.
[1] Ce terme faisant d’ailleurs resurgir la notion d’opérations exceptionnelles : « Les opérations exceptionnelles sur le territoire national sont désormais distinguées des opérations extérieures proprement dites et sont dénommées OPINT. » Gérard Charasse, Avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de finances rectificative pour 2002, Assemblée nationale, Document N°57, 16 juillet 2002, 28 pages
[2] Voir notamment le rapport de synthèse de François Lamy : François Lamy, Rapport d’information par la commission de la défense nationale et des forces armées sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures, Assemblée nationale, Document N°2237, 8 mars 2000, 144 pages.
[3] Rémunérations et charges sociales
[4] décret n° 97-901 du 1er octobre 1997
[5] Le porte-avions N°2 a longtemps été estimé à 2 milliards d’euros avant qu’un rapport récent ne fasse passer l’évaluation au dessus de 3 milliards [Jean-Michel Fourgous et Bernard Cazeneuve, Rapport d’information /.../ sur le financement des projets d’équipement naval militaire, Assemblée nationale, Document N°717, 13 février 2008, 201 pages